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David Brunel

Projet

Série débutée il y a quelques années, toujours en cours, ce travail établit plusieurs niveaux de lectures : indications mythologiques, thématique de l’enlèvement, références à la peinture italienne des XVe et XVIe et hollandaise du XVIIe… Des réminiscences culturelles multiples se croisent et se bousculent dans ces images qui jouent la carte de la citation, mais ne revendiquent pas pour autant une filiation postmoderne, elles cherchent surtout à générer un tiraillement référentiel pour éloigner le plus longtemps possible le regardeur de ce qui, dans ces photographies, est manquant, à savoir, le contact des modèles avec leur support gravitationnel (un fauteuil en l’occurrence). Cette disparition visuelle généralement pas repérée d’emblée tente de démontrer que si l’œil voit, le cerveau lui représente et qu’il y a une confiscation du voir par le regard, une prédominance du signifié sur le signifiant, le concept enveloppe l’image, l’image enveloppe le regardeur, que reste-t-il de juste, de réellement vu au final. Le sensible est trompeur, Platon l’assène, et l’intelligible fait parfois de grandes glissades…

Ce projet se tient à l’interface de la photographie, de la peinture, et de la littérature. Les ramifications premières s’ancrent dans le texte d’Egard Allan Poe, Le Portrait ovale, une nouvelle qui parle de peinture, qui parle de portrait, mais qui parle surtout du regard, de la rencontre esthétique, du rapport à l’œuvre et de l’investissement du regardeur face à l’image rencontrée. La thématique de fond des écrits de Poe travaille avec brillance la question de la représentation. Quelque chose de fondamentalement rilkéen dans la prise d’autonomie esthétique d’un spectateur face à ce qu’il voit se faufile également dans ce texte qui, à bien des égards, est une véritable perle esthétique, disons même le modus operandi idoine pour l’esthète, pour celui qui cherche à s’accorder à ce qu’il regarde, pour celui qui cherche à voir plus qu’à regarder.
Bien que Goya soit ici la source de référence posturale avouée de cette image photographique (cf. Isabel de Porcel, huile sur toile, National Gallery, Londres), retrouver l’œuvre initiale n’est pas pour autant un enjeu (un handicap plutôt). Il s’agit au contraire de passer par-dessus cette contrainte référentielle, s’alléger, pour essayer de saisir, sentir, recouvrir, ce qui dans ce « portrait » fait valeur, à savoir : ce que le regard extérieur en fait dans le temps même du regard.

Démarche artistique

La question de la représentation en général anime mes préoccupations de recherche. Au centre de ce questionnement se tient l’image photographique. La nature indicielle du médium ainsi que ses accointances singulières avec la temporalité, la mémoire, la mimésis, la copie, le simulacre, la sémio sis, l’imaginaire…, en ont fait un support de prédilection pour travailler ce vaste thème de la représentation.
Devant l’image faite, arrêtée, fixée, s’instaure le temps du regard, le temps de l’image pensée, ou nouvel ordre de la représentation, car, passé cette étape de l’image physique (travail de l’auteur), vient celui de l’image psychique (travail du spectateur), et tous deux investissent les registres du vaste répertoire de la représentation. D’image à imaginaire…
Ce canevas, propre à mon travail de recherche théorique, trouve un prolongement naturel dans ma pratique photographique, laquelle reprend ces interrogations, elle les met en pratique, en vue, elle matérialise et relance les problématiques que découvre le champ théorique. Mes intentions plastiques se définissent clairement par la volonté de produire, à l’exemple de l’icône byzantine, une image qui s’énonce en tant qu’image – voire mieux, une photographie qui s’avoue photographie. Bref, une image qui avise de ses méandres, qui prévient de ses pièges, et rabat le regardeur sur la question du regard et de la représentation – dont le rideau de Parrahasios reste à bien des égards le paradigme le plus juste.

La question de la représentation reste centrale dans le travail photographique que je mène. Inlassablement liée à la perception visuelle et aux spécificités intrinsèques de la photographie, elle induit des issues plastiques qui perpétuent l’approche théorique. Ainsi, la plupart des travaux élaborés interrogent de manière directe ou détournée, soit la perception visuelle, soit la nature de l’image photographique, soit la possibilité qu’à l’image photographique d’être énoncée en tant qu’image photographique, soit, pour terminer, la posture du regard, son aptitude et ses écueils, voire l’accès, ou plutôt l’excès sémantique de l’image. Quelle que soit l’entrée en vigueur de ces propositions photographiques respectives, la trame se raccorde immanquablement avec la thématique de la représentation. Des travaux les plus anciens (Ensembles I & II, « Chevals » & « Façades », Inversions, Hémistiches – Songes éthérés…) jusqu'aux productions actuelles (Zephyr Project, Portrait – Pictorial links occasional blinks), l’image photonique est à la fois l’outil de questionnement et l’objet du questionnement.
"Ce que nous appelons une œuvre d'art est le résultat d'une action dont le but fini est de provoquer chez quelqu'un des développements infinis" (Paul VALERY)

Expositions

2007 Zephyr Project Part I, Galerie Philippe Pannetier, Nîmes
2006 Cheval(s), Galerie Philippe Pannetier, Nîmes
2002 Cheval(s) & Façades, L’Imprimerie, Image/imatge, Orthez
Cheval(s), Le Préau, Montpellier
2001 Cheval(s), Galerie l’Hôtel des Allégories, Nîmes
2000 Eco-graphies & Bio-graphies, Galerie Le Bond de la Baleine à Bosse, FORUM de l’image, Toulouse
1999 Eco-graphies & Bio-graphies, Galerie l’Hôtel des Allégories, Nîmes
Eco-graphies & Bio-graphies, Galerie la Fontaine Obscure, Aix en Provence
1998 Eco-graphies, Hôtel du département (catalogue), Clermont-Ferrand
1997 Terre d’acqua, Basilique San Andrea, Vercelli, Italie
RN 113, Centre Jaude, FNAC de Clermont-Ferrand
Hôtel Cinzia, Basilique San Andrea, Vercelli, Italie
1996 Nationale 113, FNAC, Clermont-Ferrand
1995 Quatre éléments, Carré d’Art (espace Foster), Nîmes
1994 Sables Tambour, Peuples et Cultures, Montpellier

Informations

tel : brunel.david@wanadoo.fr
email : 04.90.93.97.81